Histoire et typologie des pigeonniers (1/4)

Les pigeonniers en France

Colombes ou anciens pigeons bisets sauvages et colombiers sont présents très tôt dans l'histoire de l'homme. Il est admis que la première domestication remonte à l'Egypte des Pharaons, il y a 5000 ans, où le pigeon était utilisé à des fins alimentaires. Plus tard dans l'Antiquité, on retrouve des représentations de colombes sur des bas-reliefs ou des autels à sujet religieux. Dans le palais de Cnossos en Crète à l'époque minoenne un autel miniature de la déesse crétoise assimilée à Aphrodite porte des colonnes avec colombes. L'élevage du pigeon se développe tout au long de l'antiquité romaine où Pline l'Ancien et Varron donnent des indications précises sur l'élevage des pigeons et la construction des colombiers. Règles qui seront suivies jusqu'au XIXe siècle. L'élevage est fleurissant à Rome tout comme en Turquie dès l'époque byzantine.

En France, l'introduction des pigeons est certainement due aux légions romaines et se développera tout au long du Moyen Age avec une législation particulière. Selon les coutumes féodales il fallait être seigneur d'un fief et exploitant d'un domaine pour avoir le droit de colombier. Une tolérance fut accordée aux paysans à condition d'un élevage modeste pour la possession d'un volet au dessus d'une annexe (cave, cellier, poulailler, soue à cochon) accessible par une échelle intérieur ou extérieur avec quelques trous en façade.
Il semble que la construction de colombiers voit une certaine expansion à partir du XIVe siècle avec l'essor économique des territoires. D'une manière générale, la répartition de ces édifices suit la répartition de la culture du blé et on observe une diversité des formes et styles selon les régions dans les campagnes français.
Un tournant majeur a lieu dans le droit de colombier par les décrets révolutionnaires du 4 au 11 août 1789 supprimant théoriquement la féodalité et ses privilèges. Le décret du 4 Août 1789 dans son article 2 stipule : "le droit exclusif des fuies et des colombiers est aboli. Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés, et dans ce temps, ils seront regardés comme gibier et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain."

Le nouveau code rural de 1791 et les textes législatifs du 17 juillet 1793 suppriment dans les faits les droits seigneuriaux et élargit le droit de posséder un pigeonnier. A partir de cette date on voit une réelle vogue de l'élevage des pigeons qui se démocratise si l'on peut dire. On voit une perte de volume, d'échelle, de qualité qui va limiter les vestiges à cause des destructions. Ce développement est certainement du au profit que pouvait en tirer les particuliers mais aussi à la satisfaction de pouvoir jouir d'un nouveau droit jusqu'alors réservé aux seigneurs. Pourtant des restrictions survinrent pour limiter les dégâts causés aux cultures.
L'utilisation première du pigeon depuis l'Antiquité est alimentaire. C'est une source de viande importante jusqu'au XIXe siècle car les quantités de bétail étaient limitées pour différentes raisons. L'intérêt de l'élevage des pigeons, en comparaison, est la forte et rapide capacité de reproduction. Il s'agit d'une viande disponible toute l'année, facilement transportable et conservable. Avec le nouveau code rural de 1791, le pigeon d'animal domestique devient aussi gibier et peut être tiré durant les périodes de moisson.

Rapidement, les déjections des pigeons - la colombine - ont été utilisées comme fumures pour les terres appauvries par la culture du blé et du chanvre. Riche en azote et en acide phosphorique c'est le meilleur engrais jusqu'au XIXe siècle. Il devait être dilué par la pluie pour éviter de brûler les cultures. Avant l'apparition des engrais chimiques sa valeur est telle qu'il peut figurer dans les contrats de mariage comme partie de la dot. Par ailleurs, la colombine sert aussi de protection aux grains conte les parasites. Une autre utilisation de la fiente de pigeon, moins répandue, est la production de salpêtre pour faire de la poudre à canon.
Il ne faut pourtant pas négliger l'importance sociale du colombier signalant le rang de son propriétaire. Que ce soit par les formes des girouettes couronnant le toit ou par la taille et la forme massive, les pigeonniers signalent les grands domaines et par la même l'importance sociale de son seigneur.

 

Pigeonniers de Gironde